Dans une policy-note
récente[1],
Blanchard et Acalin ont remis en question le consensus international selon
lequel l’investissement direct étranger est « un bon flux », tandis
que les investissements en portefeuille sont des flux volatils et leurs
retombés sur l’économie restent ambigus.
En examinant les flux d'IDE
vers 25 pays émergents[2],
les auteurs ont relevé trois faits qui suggèrent que l'IDE mesuré est en fait
très différent de celui que les décideurs imaginent.
Premièrement, il a
été observé que la corrélation entre les entrées et les sorties des IDE dans ce
panel de pays émergents est étonnamment élevés en avoisinant 51%. Un
préalable raisonnable serait que cette corrélation devrait être proche de zéro
ou même négative: Si un pays est, pour quelque raison, plus attrayant pour les
investisseurs étrangers, il n'est pas évident que les investisseurs nationaux
voudraient investir à l'étranger.
Une première explication
de ce résultat peut être que la corrélation ne reflète qu’une tendance commune
pour les deux séries sans pour autant qu’il y ait un lien entre les deux
séries. Cela joue un rôle mineur car même si les entrées et les sorties d’IDE
sont corrigées en les rapportant à la tendance du PIB, elles présentent une
corrélation de 33% dont six pays ont une corrélation dépassant 60%.
La seconde explication est que les facteurs
saisonniers sont probablement en jeu. Cela ne semble pas non plus impacté les
résultats. La corrélation moyenne entre les entrées et les sorties d'IDE ajusté
des facteurs saisonniers, est de 33%. Cinq pays ont toujours une corrélation
supérieure à 60%.
Une troisième explication
est que la corrélation est l'implication
de l'équilibre sur le marché des changes. Ainsi, l'ajustement du taux de change
peut conduire à une corrélation positive entre les entrées et sorties d'IDE.
Par exemple, une augmentation des entrées d'IDE peut conduire à une
appréciation, ce qui rend plus attrayant pour les investisseurs nationaux à
investir à l'étranger, et donc conduire à une augmentation des sorties d'IDE.
Cet effet peut être en partie à l'œuvre.
La quatrième explication
est que la corrélation reflète la couverture des risques. Une couverture simple,
pour une entreprise qui investit dans un marché émergent, consiste à emprunter
auprès du marché domestique par sa filiale et à réinvestir les fonds à la société
mère, couvrant ainsi le risque de change découlant de l'investissement initial.
Dans ce cas, l'afflux d'IDE vers un marché émergent sera égalé par une
sortie d'IDE de ce pays.
La deuxième
observation qui ressort de ces données est que les entrées d'IDE sur les
marchés émergents répondent positivement à une baisse du taux directeur des
États-Unis. A priori, on devrait s’attendre à ce que
les flux d'IDE ne réagissent pas beaucoup, voire pas du tout, aux variations de
la politique monétaire eux Etats-Unis, c'est-à-dire que l'effet devrait être
proche de zéro.
Dans la même lignée, les
auteurs ont trouvé que la réponse des flux d’IDE aux variations du taux
d’intérêt est plus forte que la réponse des flux de portefeuille dans le panel
de pays émergents. Ces résultats sont très frappants et ils sont cohérents avec
la constatation d'une corrélation élevée entre les entrées et sorties d’IDE.
Troisièmement et bien que
les résultats de différents pays de l’échantillon pointent vers la même
direction, il existe des différences dans l’ampleur des corrélations et des
réponses aux variations du taux d’intérêt. Les auteurs estiment qu’à ce
titre la législation en termes de taxation et contrôle de capitaux jouent un
rôle important pour expliquer les disparités entre pays. En guise
d’illustration les auteurs ont pris l’exemple de la Hongrie. L'une des raisons
pour lesquelles la Hongrie a une corrélation aussi forte entre les entrées et
les sorties d'IDE s'explique par le fait qu'elle a un traité fiscal bilatéral
avec les États-Unis. Cela signifie que les résidents de pays tiers peuvent
bénéficier de ces traités en passant par un investissement en Hongrie. Cette
pratique permet à de nombreuses entreprises d'utiliser la Hongrie comme un
moyen de transport de fonds vers les États-Unis.
A la lumière des
observations précédentes, les auteurs concluent par rappeler que les flux d'IDE
vers les économies émergentes ne semblent pas désigner des flux de caractère de
long terme, comme on l’a cru pour longtemps, ce qui appelle à la fois les
chercheurs et les décideurs à relativiser lorsqu’il s’agit de l’évaluation de l’investissement
direct étranger.
[1] What Does Measured FDI Actually
Measure? Blanchard et Acalin (2016), Peterson Institute for
International Economics.
[2]
Argentine, Brésil, Bulgarie, Chili, Chine, Colombie, Croatie, République Czech,
Hongrie, Inde, Indonésie, Israël, Corée, Malaisie, Mexique, Pirou, Philippines,
Pologne, Romanie, Russie, Slovaquie, Afrique du Sud, Thaïlande, Turquie, et Vietnam.
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